Ce qui devait arriver…
Comme l’a annoncé jeudi soir, Nathalie Guibert, ma consoeur du Monde, le Centre du soutien des opérations et des acheminements (CSOA), chargé de l'acheminement du fret vers les théâtres d'opérations et placé sous la tutelle de l'état-major des armées, a été perquisitionné mardi dans le cadre de l'enquête du Parquet national financier sur le recours par l'armée française à des transporteurs privés.
Le CSOA, un organisme inter-armées situé à Vélizy-Villacoublay (Yvelines), a été perquisitionné par les gendarmes.
Un prestataire privé a aussi reçu la visite des enquêteurs, à Paris.
Un de ses dirigeants s'était fendu, lundi, d'un courriel accusateur après la parution dans Lignes de défense d'un post sur le coût des affrètements aériens tactiques (lire ici).
L'enquête en cours porte sur la location jugée "excessivement coûteuse" de gros-porteurs sur le marché privé, puisque l'armée française ne possède pas elle-même les avions nécessaires aux missions de transport stratégiques.
L'entourage de la ministre des Armées, Florence Parly, a confirmé que la justice avait été saisie au titre de l'article 40, qui oblige tout fonctionnaire à signaler un crime ou un délit dont il aurait connaissance, mais le cabinet de la ministre n'a pas donné plus de précisions.
Cette enquête fait suivre à un rapport de la Cour des comptes, à des envois anonymes de documents compromettants et à un rapport du député Cornut-Gentille sur le transport stratégique.
Dans une question écrite du 29 novembre 2016, Francois Cornut-Gentille a demandé au ministre de la Défense "d'expliquer les raisons qui amènent le ministère de la défense à poursuivre sa politique d'externalisation du transport stratégique selon des modalités et avec des acteurs qui font l'objet de vives critiques de la part de la Cour des comptes, celle-ci allant jusqu'à parler d'anomalie". La réponse a été publiée au JO le 14 mars. Elle est à consulter ici. Selon le ministère, le CSOA remplit sa mission en tenant compte de deux impératifs : la satisfaction du besoin opérationnel et la recherche de la performance économique.
Certes il s’agit avant tout d’une enquête qui doit déterminer si des délits ont été commis et si des poursuites doivent être engagées. Mais depuis plus d’un an, la question de la transparence dans le domaine des affrètements aériens tant stratégiques que tactiques est posée ; à l’étonnement de certains observateurs a succédé une véritable suspicion à l’égard de certaines pratiques et de certains liens assez troublants entretenus entre des acteurs de ce secteur.
L’obligation pour le ministère de la défense de recourir à des prestataires privés a encore été clairement énoncée par le CSOA il y a quelques jours. Pour expliquer la reconduction en 2018 du marché national français d'affrètement d'avions-cargos (marché 148), deux motifs étaient invoqués :
- des problèmes avec le marché SALIS (actuellement restreint aux seuls An-124)
- et "le manque de fiabilité actuel de la flotte patrimoniale des A400M ».
Ce marché et ceux du transport tactique en Afrique sont juteux et ils suscitent les appétits des affréteurs. Dommage que de petites compromissions et de petits errements viennent parfois ternir l’horizon.