Quantcast
Channel: Lignes de défense - externalisation
Viewing all articles
Browse latest Browse all 994

Financements innovants: et si l'on reparlait des "sociétés de projet"

$
0
0

A deux reprises, récemment, la ministre des Armées, Florence Parly, a fait référence à des "modes de financement innovants", sans pour autant préciser sa pensée. Son cabinet reconnait qu'il y a des "pistes à creuser" et que le système des sociétés de projet évoqué par Jean-Yves Le Drian constitue "une piste de réflexion".

Ces "sociétés de projet" au capital mixte, fourni par la vente, par l'Etat, de participations, loueraient à la Défense matériels et infrastructures. A noter que l'Etat peut ne pas être majoritaire et que les investisseurs étrangers sont bienvenus.

Lors de cet épisode, en octobre 2014, j'avais interrogé Guillaume Farde sur ces fameuses sociétés de projet (lire ici). Je l'ai donc sollicité pour refaire un point et commenter les pistes pour des "modes de financement innovants".

Photo_Guillaume_FARDE.jpg1. Alors, c’est le retour des sociétés de projet ?
Les débats budgétaires 2014 et 2017 présentent à la fois des ressemblances et des dissemblances. Dans les ressemblances, la question du risque de glissement de calendrier est centrale. Dans les dissemblances, la principale est que les montants en jeu ne sont pas les mêmes.
Lors de son audition du 1er octobre 2014 par la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée Nationale sur le projet de loi de finances pour 2015, Jean-Yves Le-Drian s’était inquiété du fait que les 31,4 milliards, qui composaient le budget défense de l’époque, comportaient 2,3 milliards de recettes exceptionnelles dont tout le monde savait qu’elles seraient difficilement au rendez-vous. C’est pour éviter les possibles risques de glissement de calendrier, autrement dit les retards de paiement des industriels, que le ministre avait proposé un montage assez complexe où des sociétés de projet auraient été créées et capitalisées par l’Etat pour racheter aux armées des équipements qu’elles leur loueraient ensuite.
Aujourd’hui, nous savons que l’effort de 850 millions d’euros demandé au ministère des armées portera pour l’essentiel sur le programme 146 (équipements des forces). Cela augmentera le risque de retards de paiement des industriels. Leurs fournisseurs les plus fragiles en termes de trésorerie pourraient ne pas survivre.
Du reste, les ressemblances s’arrêtent à peu près là. Dans son audition, la ministre parle de financements innovants, jamais de sociétés de projet.

2. Cela voudrait dire que les financements innovants ne se limitent pas aux sociétés de projet ?
Exactement. L’externalisation, les financements innovants, les sociétés de projet, tous ces termes s’inscrivent dans un seul et même mouvement de transformation des modes d’acquisition des équipements de défense. Cette transformation, c’est l’adoption progressive de l’approche capacitaire.
Cette approche part du constat que dans un contexte où les dépenses de maintien en condition opérationnelle ne cessent de croître, la pleine propriété de l’ensemble des équipements militaires n’est pas économiquement rationnelle. Elle préconise que l’acquisition patrimoniale soit réservée aux acquisitions les plus lourdes tandis que la fourniture des équipements plus légers serait assurée par des opérateurs privés, en privilégiant le modèle locatif.
En fait, l’approche capacitaire permet le transfert d’une part du risque d’exploitation au partenaire privé. La mise à disposition des équipements est modulée selon le besoin des forces dans le temps et le ministère des armées annule ainsi une partie des coûts liés à l’entretien-maintenance et à la sous-utilisation de certains matériels. Ce risque économique ainsi transféré au secteur privé est compensé par la mutualisation des équipements.
Pour les équipements duaux (notamment aéronautiques), l’existence d’un marché civil permet la réalisation de revenus complémentaires qui minorent le coût d’utilisation dont s’acquittent les forces armées. Pour les équipements non duaux, la mutualisation peut résulter de leur usage par des armées de pays amis de la France dans le cadre d’actions de formation. Ce dernier usage fluidifie les relations commerciales entre les industriels et les Etats clients/prospects de la France.

3. N’y a-t-il pas des limites tout de même ?
Bien-sûr qu’il y en a. Une des erreurs fréquemment commises consiste d’ailleurs à voir dans l’approche capacitaire un modèle universel et indépassable.
Je le disais dans l’essai que j’ai publié l’an dernier, la viabilité économique de l’approche capacitaire ne peut s’envisager qu’en plaçant la notion de service au cœur des projets. Les contrats d’externalisation ne doivent pas se limiter à une simple obligation de moyens mais, au contraire, doivent comporter de strictes obligations de résultats. Le partenaire privé vend au ministère des armées la disponibilité d’une prestation globale (mise à disposition de l’actif, maintenance, gestion des consommables et des rechanges, etc.) et des clauses de pénalités sanctionnent le non-respect des obligations de disponibilité prévues au contrat. Le service étant à la fois sanctuarisé, global et assorti d’obligations de résultat, les craintes de dépossession exprimées par les forces sont logiquement de bien moindre ampleur.
De ce point de vue, on ne redira jamais assez que le contrat de partenariat public-privé Hélidax prouve que les synergies public-privé sont possibles dès l’instant où les armées savent qu’elles achètent un service de qualité. Le succès d’HéliDax démontre que l’externalisation du soutien à la formation, selon une approche capacitaire, pour des actifs duaux et aisément mutualisables, est une source d’économies qui ne compromet pas les capacités opérationnelles des forces.

 


Viewing all articles
Browse latest Browse all 994

Trending Articles